vendredi 15 novembre 2013

André Gide 'l'inquiéteur'

André Gide ou l'inquiétude partagé


Gide à 24 ans 
Référence : André Gide 'l'inquiéteur' par Franck Lestringant, 'Le ciel sur la terre ou l'inquiétude partagée' - 1869-1918 - Éditions Flammarion, 1166 pages, 2011
 
André Gide et son image de dandy : sur un tableau de son cousin Albert Démarest pendant l'hiver 1888-89, il apparaît avec un visage poupin, de longs cheveux, une tenue particulièrement soignée, un livre à la main. Il a 20 ans et s'apprête à publier son premier roman. C'est un écrivain aux multiples visages, pétri de contradictions, dont la foi sincère cadre mal avec des tendances homosexuelles, le 'Corydon', [1] recherche sans relâche la voie de son salut.
 
Du protestantisme qu'il tient de son ascendance, vient sa profonde connaissance de la Bible où il puise le titre d'œuvres comme "Si le grain ne meurt" ou "Numquid et tu ?" Il choisit "la grâce contre la loi, renforçant le sentiment de différence et d'élection qu'il éprouve profondément et qui fonde sa liberté". De ses difficultés à s'admettre tel qu'il est naissent des problèmes relationnels comme avec sa cousine Madeleine qu'il épouse en 1895 alors qu'il évoque ses tendances homosexuelles lors d'un voyage en Afrique du nord repris dans son récit "L'Immoraliste". Pourtant, André Gide est béni des dieux, adoubé par le grand Mallarmé, connaît une grande amitié avec Paul Valéry. Il affine son style, recherchant une écriture plus pure, délicate et élégante qu'il appelle l'atticisme.
 
Son ami Paul Claudel est scandalisé par l'homosexualité qui sourd des "Caves du Vatican" et lui écrit : "Vous êtes surtout victime de 2 choses : votre hérédité protestante qui vous a habitué à ne chercher qu'en vous la règle de vos actions et le prestige esthétique qui prête un lustre et un intérêt aux actions les mins excusables." Ce 'prestige esthétique', il le revendique mais l'inquiétude vient peu à peu l'affecter -c'est en 1935 qu'il trouve ce terme 'd'inquiéteur' -née de l'analyse de sa personnalité et de son parcours. Il va alors tenter une approche radicale à travers son "Journal", scrutant l'homme et ses contradictions, dreyfusard hésitant et antisémite, nationaliste ouvert au monde, solidaire des faibles sans renier son milieu, un homme à la fois ambigu et subversif.

André Gide d'après Jean Daniel

Vers 15 ans, l'écrivain et journaliste Jean Daniel se passionne pour la lecture de son Journal. Il comprend que peuvent se rejoindre l'affirmation de soi et de la vanité, et la modestie et la simplicité, "qu'il faut osciller entre les deux". Gide le renvoie à Montaigne, le fait que dans chaque homme il y ait "la substance de l'humaine condition". Il se voudrait comme Gide, cet homme plutôt effacé qui pourtant est respecté et écouté, dont André Malraux, grand bavard, disait un jour en sortant de chez lui, à sa femme Clara : « On ne perd jamais son temps à écouter Gide. »
 
Gide, avare et pédophile disent certains comme son biographe Simon Leys, benoîtement antisémite quand, disait Georges Bernanos « le nazisme n'avait pas encore 'déshonoré' l'antisémitisme. » Léon Blum le considérait comme son véritable ami, et dieu sait le nombre d'avanies qu'il avait dû subir au cours de sa vie politique... « Avec Gide tout était plus compliqué, plus complexe, plus ambigu, plus déroutant -et finalement plus riche. » A travers la lecture de son œuvre, il a appris à « fuir tous les espaces clos, à franchir tous les murs, à être curieux de tout ce qui m'était le plus étranger et à ne jamais me contenter de ce que j'étais. » Souvenirs inoubliables quand il lit dans Voyage au Congo que « moins le Blanc est intelligent et plus le Noir lui paraît bête » ou dans Souvenirs de la cour d'assises l'inanité, les dangers du jugement. Il a appris ce que voulais dire Arthur Rimbaud avec son « Je est un autre », lire en soi-même, découvrir en soi ses propres limites pour se nourrir de la richesse des autres.
 
Voir aussi :
  • Site de la Fondation Catherine Gide, pour la préservation du patrimoine gidien et la diffusion de l'œuvre d'André Gide, fondée par Catherine Gide, sa fille
  • Biographie
Notes et références
[1] Voir présentation de son essai : Corydon
 
 <<<<<< Christian Broussas – Feyzin, 4 janvier 2012 - <<<<< © • cjb • © >>>>>>>
 

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