dimanche 1 juin 2014

Milan Kundera La Valse aux adieux

Référence : Milan Kundera, « La valse aux adieux », première édition 1973, éditions Gallimard, traduction François Kerel, 1976


Ce roman constitue le dernier volet de sa trilogie avec La Plaisanterie et La Vie est ailleurs. Il se déroule sur 5 journées qui font chacune l’objet d’un chapitre. 

Écrit en 1971, La Valse aux adieux ce roman de Milan Kundera est paru en France à 1976. On y rencontre sept personnages dont une infirmière, Ruzena, un gynécologue, le docteur Skreta, un riche américain, Bertlef, un célèbre trompettiste de jazz, Klima et un ancien détenu, Jakub, à travers des histoires croisées de gens qui se rejoignent ou s’éloignent au gré des événements et de leur fantaisie  
dans une « ville d'eaux au charme suranné ».

Comme souvent, il y parle de choses sérieuses, des problèmes que rencontrent ses personnages, avec une tonalité de vaudeville, une légèreté de style en équilibre entre humour et ironie. Le rythme s’accélère peu à peu comme la valse à trois temps de Jacques Brel.


Les personnages se débattent dans des problèmes qu’ils créent souvent eux-mêmes, fruits des difficultés de communication par exemple entre Ruzena enceinte des œuvres de Klima, elle désirant garder l’enfant, Klima amoureux de sa femme et ne pensant qu’à l’avortement, sans se préoccuper des raisons de l’Autre qui proviennent souvent par un lourd passé qui grippe leur présent et leurs relations.

Si la réalité historique de la Tchécoslovaquie de l’époque est bien présente, on tombe dans l'autofiction [1] avec des personnages ambivalents, qu’on a du mal à cerner, comme le docteur Skreta dont on se demande s’il est simplement un rêveur très bizarre ou un type dangereux porté par un projet eugénique ou Bertlef qui apparaît tour à tour comme un riche amateur de femmes ou une espèce de saint contemporain, qui n’est pas du goût de Jakub, un rationaliste marqué par son passé. 

Le pessimisme ambiant se révèle surtout dans la mentalité de Jakub, « il se dit que dans son pays les choses ne s'amélioraient pas et n'empiraient pas non plus, mais qu'elles devenaient de plus en plus ridicules. » Sa vision de l’espèce humaine est à l’unisson quand il précise « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne pourrai jamais dire avec une totale conviction : "l’homme est un être merveilleux et je veux le reproduire". » 
Il rejoint ainsi le refus de procréer de Klima, à l’opposé de cette autre réplique qu’écrit Milan Kundera « Avoir un enfant, c'est manifester un accord absolu avec l'homme. Si j'ai un enfant, c'est comme si je disais : "je suis né, j'ai goûté à la vie et j'ai constaté qu'elle est si bonne qu'elle mérite d'être multipliée". »

Ainsi, les personnages se débattent dans des situations dont ils sont eux-mêmes responsables et qu'ils s'évertuent à faire leurs adieux à leur passé pour pouvoir se reconstruire.

« Deux personnes amoureuses, seules, isolées dans ce monde, que c'est beau. »
Quelques citations tirées du roman
* « Le désir de l'ordre est en même temps désir de mort, parce que la vie est perpétuelle violation de l'ordre. Ou, inversement, on peut dire que le désir de l'ordre est le prétexte vertueux par lequel la haine de l'homme justifie ses forfaits. »
* « [...] parvenir à la conclusion qu'il n'y a pas de différence entre le coupable et la victime, c'est laisser toute espérance . Et c'est ça qu'on appelle l'enfer, ma petite. »
* « Séduire une femme, [...] c'est à la portée du premier imbécile. Mais il faut aussi savoir rompre ; c'est à cela qu'on reconnaît un homme mûr. »
* « Si quelque chose m'a toujours profondément écœuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme. »
* « Ceux qui connaissent vraiment les femmes savent que l'œil ne révèle qu'une infime fraction de ce qu'une femme peut offrir. »
* « Les choses essentielles se produisent en ce monde sans explication ni motif, puisant en elles-mêmes leur propre raison d'être. »

Notes et références
[1] Autofiction : Genre littéraire qui mêle ouvertement la fiction et l'autobiographie, où par exemple, l'auteur peut raconter sa vie tout en insérant dans son récit des anecdotes fictives

Voir aussi mes articles :
* Milan Kundera, L'art du roman, sa conception de l'écriture
* Milan Kundera, Les testaments trahis, portée et esthétique du roman
* Milan Kundera, Une rencontre, pouvoir et postérité de l'artiste

* Milan Kundera, La fête de l'insignifiance
* Milan Kundera et Philip Roth


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