samedi 24 janvier 2015

Malcolm Lowry Au-dessous du volcan








 Lowry à Vancouver


Référence : Malcolm Lowry, "Au-dessous du volcan", éditions Gallimard, préface Maurice Nadeau, postface et colophon Max-Paul Fouchet, 1973 

Au-dessous du volcan, un film de John Huston inspiré du roman éponyme de Malcolm Lowry, encore un film « inspiré » d’un roman célèbre, ce qui ne veut nullement dire que les scénaristes soient « inspirés ». Certes certains films sont de vastes fresques éminemment romantiques et somptueuses mais, de là à refléter la réalité intérieure des personnages et la volonté de l’écrivain, il y a un écart plus ou moins important allant de la transposition, à la caricature et jusqu’à la trahison.
Paul Morelle dans un article du Monde a qualifié ce roman de « chef d’œuvre comme il n’en existe pas dix par siècle ». Lors de sa parution, les éloges ne manquèrent pas, et pas davantage sa difficulté de lecture. Ce qui n’a découragé ni le scénariste ni le réalisateur.  

« Pas une goutte de mezcal que je n'ai transmuée en or pur,
Pas un seul verre d'alcool que je n'ai fait chanter. »  Malcolm Lowry

La trame en est pourtant simple : Geoffrey Firmin, un homme désespéré, est confronté à une histoire d’amour magnifique mais impossible. Dans l’avant-propos, l’écrivain Maurice Nadeau parle de leur histoire d’amour du comme d’une « des plus belles et des plus poignantes qu’on ait jamais lues. »
Geoffrey Firmin, ancien  consul britannique déchu, échoué dans la petite ville mexicaine, noie son désespoir dans la tequila et le mescal. Yvonne, la femme qu’il aime et qui l’a quitté, est cependant revenue vers lui et même s’ils s’aiment encore, elle sera impuissante à lui redonner foi en la vie.

Au-delà de leur histoire, de leur passé fait de passion et de crises, c’est comme le résume Maurice Nadeau, « le roman d’un alcoolique qui, avec une lucidité effrayante et une suprême maîtrise de moyens, décrit tous les symptômes de sa maladie et lui trouve ses véritables causes, qui ne sont pas du ressort de la médecine » .L’ex consul quoique lucide sur son état, ne parvient pas à communiquer avec autrui, à dépasser le recours à l’alcool pour se délivrer de ses fantômes. Il finira par trouver son absolution par une dernière révolte, abattu par des policiers devant un bar.

  Au-dessous du volcan par Lowry        

Roman difficile d’accès dont Max-Pol Fouchet disait dans la postface : « Si, dans votre lecture, vous enjambez des phrases, soyez assuré de rompre une nécessité. Ce livre se réfère à la musique : une note sautée, vous manquez l’accord, la mélodie est fausse. Vous n’avez pas le droit de rien omettre. Le tissage, la trame, la texture sont d’un grain tel qu’à les desserrer vous élimez l’ensemble. » À cet égard, le premier chapitre est éloquent, une centaine de pages arides qui laissent lentement s’installer la petite musique qui en douze chapitres, va se développer jusqu’à sa fin inéluctable.

« Oaxaca ! Le mot résonna comme un cœur qui se brise, comme une brusque volée de cloches engloutie par l'ouragan, comme les syllabes ultimes prononcées par des lèvres mourant de soif dans le désert. »  Malcolm Lowry

La gestation de ce roman est à elle seule un roman. Malcolm Lowry en commence l’écriture au Mexique en 1936 et il va le retravailler pendant une dizaine d’années. En 1941, sa première version est refusée par tous les éditeurs. Lowry s’attèle à sa réécriture dans le calme canadien, dans un lieu isolé de tout sur la côte ouest mais il égare son manuscrit dans un bar, sans doute un soir de libations excessives. On dit que la troisième version disparut (en tout ou partie, on ne sait) dans l'incendie de sa maison en bois et, à l’issue de cette pérégrination tragi-comique où le miraculeux manuscrit renaît de ses cendres, la quatrième version sera finalement publiée en 1947.

Avec sa femme Margerie
Dans la version française parue en 1949, Lowry a tenu à inclure une préface où il s’explique ainsi : « Ce premier chapitre est vu par les yeux de d'un Français, producteur de films, Jacques Laruelle. Il établit une sorte de relevé du terrain, de même qu'il exprime le rythme lent, mélancolique et tragique du Mexique lui-même, lieu de rencontre de plusieurs races, antique arène de conflits politiques et sociaux où, comme Waldo Frank, je crois, l'a montré, un peuple coloré et génial, entretient une religion qu'on peut appeler celle de la mort ».

Mais ce chef-d’œuvre reconnu et salué par tous, se retournera contre son auteur qui, hanté par la crainte de ne jamais parvenir à rééditer cet éclatant succès, ne parviendra plus à terminer la plupart de ses manuscrits. C’est en tout cas un roman au superbe décor avec, dominant l’ensemble, la masse imposante du volcan, le Popocateptl, témoin du drame qui se noue à ses pieds.
Comme le remarque un lecteur avisé (et conquis), « il est recommandé de plonger le livre dans une bassine de téquila pour extraire tout son jus ».

Citations et commentaires

Le départ d'Yvonne
« Aussi quand tu partis Yvonne, j'allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d'une banquette de troisième classe, l'enfant dont nous avons sauvé la vie , sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la téquila de ma bouteille, ou comment m'en allant dans ma chambre en hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d'égorgement en bas dans la cuisine, me chassa  dans l'éblouissement de la rue, et plus tard cette nuit-là, la vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? »

La métaphore du taureau
« Oui, elle le comprenant maintenant, toute cette histoire de taureau c'était comme une vie : l'importante naissance, la belle chance, le tour de l'arène d'abord hésitant, puis assuré, puis désespéré, puis à-demi désespéré, un obstacle aplani -exploit mal reconnu-puis l'ennui, la résignation, la résignation puis une autre naissance plus convulsive : un nouveau départ, les efforts circonspects pour s'y reconnaître dans un monde franchement hostile, l'encouragement apparent mais décevant de ses juges, dont plus de la moitié étaient endormis, les embardées dans les commencements du désastre, à cause de ce même obstacle négligeable qui avait été la cause jadis, franchi d'un coup, la chute finale... »

Malcolm Lowry dans Viva de Patrick Deville

Malcolm Lowry et Léon Trotsky (page 129)
« Pourquoi cette belle et terrible solitude (de ces deux hommes) et cd don de soi qui leur fait abandonner la vie qu'ils aimeraient mener, les êtres qu'ils aiment, pour aller toujours chercher plus loin l'échec qui viendrait couronner leurs efforts. »
« Chez ces deux-là... c'est ce vide qu'on sent et que l'homme, en son insupportable finitude, n'est pas ce qu'il devrait être, le refus de la condition qui nous échoit... même s'ils savent bien qu'ils ont tenté l'impossible et que l'impossible peut être tenté. Ce qu'ils nous crient et que nous feignons souvent de ne pas entendre : c'est qu'à l'impossible, chacun de nous est tenu. »


Voir aussi
* Frida Kalho et Diego Rivera
* L'écrivain B. Traven 

   << Christian Broussas - M Lowry - Feyzin, 24/01/2015 © • cjb • © >>

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