Référence : Antoine Compagnon, "Un été avec Baudelaire", éditions Des Équateurs, 176 pages, mai 2015

Marcel Proust aimait dit-on particulièrement Chant d'automne de Charles Baudelaire, ces vers d'une beauté grave et nostalgique : « J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre/ Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer, Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre, Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer. » Il évoque avec une verve sombre les femmes dans des poèmes comme La Chevelure ou L'invitation au voyage, son spleen du soleil sur le thème "Adieu, vive clarté de nos étés trop courts", admirable phrase dont Jorge Semprun emprunta le début comme titre d'un de ses meilleurs romans.

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Un été avec Montaigne     avec Proust              avec Baudelaire


Le soleil et l'été comme symboles de l'enfance et du paradis perdu. L'homme Baudelaire fut à la fois un génie aiguillé par la folie, un anarchiste et un observateur acéré de l'évolution de son époque. Antoine Compagnon reprend ces thèmes en trente chapitres, d'un classicisme réaliste, de l'urbaine Paris à la clarté maritime de Honfleur et de la côte d'albâtre. Il permet de se replonger dans Les fleurs du mal bien sûr mais aussi dans Petits poèmes en prose (Le spleen de Paris), comme il l'avait déjà fait avec Un été avec Montaigne.


« Aucun poète, nous rappelle-t-il, ne nous a laissé autant de vers mémorables. Aucun écrivain n'a mieux parlé de l'amour, du spleen, du voyage. » Parler de l'été, c'est renouer avec le paradis perdu, celui de son enfance avec sa mère, avant le remariage et l'incursion dans sa vie de ce général Aupick. Il pourfendit le progrès qui amollit les hommes, les enferme dans le confort et leur fait perdre le sens de la lutte avec eux-mêmes, combat éternel de l'humaine condition.
C'est son côté conservateur, même s'il est moderne par d'autres côtés, pour avoir été condamné pour ses provocations, ce qui explique qu'on l'ait parfois traité d'anarchiste de gauche puis de droite. 
A la fois, dandy et ami des chiffonniers, homme de paradoxes, donc, dénonçant cette désacralisation de l'art qu'il annonça comme inéluctable.


Lui-même s'estime un dandy, par référence au livre de Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de G. Brummel. Dans Mon cœur mis à nu, il le définit ainsi : 
- « Qu'est-ce que l'homme supérieur ? Ce n'est pas le spécialiste.
   C'est l'homme de Loisir et d'Éducation générale. »(I, 689)

C'est un dilettante qui rejette le côté utilitaire du progrès, prône une liberté débridée mais régie par ses propres lois, « le dandysme, institution en-dehors des lois, a des lois rigoureuses, auxquelles sont strictement soumis tous ses sujets, quelles que soient la fougue et l'indépendance de leur caractère. » (Le peintre de la vie moderne) 

Même si le dandy est individualiste et aime les signe de distinction, son but est de former une espèce d'élite marquant « la supériorité aristocratique de son esprit. » Il veut maîtriser ses émotions et affecte un flegme hautain.

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Interview du Figaro, août 2014 (extrait) 
« Baudelaire reste lui aussi très actuel. Il est par exemple l'un des premiers à avoir mis en cause le progrès, notion très débattue aujourd'hui. Mais il est moins rond, mois sympathique que Montaigne ; sa personnalité est plus sombre, plus ambiguë. Il est hostile à la démocratie, favorable à la peine de mort. Beaucoup le jugent réactionnaire.

J'ai hésité à parler de ces aspérités à la radio avant de décider qu'il fallait faire la lumière sur toute son œuvre et sa personnalité. J'ai même enregistré une émission sur sa réputation d'antisémitisme. Baudelaire, c'est l'amertume et la mélancolie. Paradoxalement, l'été n'est pas sa saison et le matin n'est pas son heure. Le temps de Baudelaire, c'est le crépuscule, l'automne. Il y a donc de l'ironie à l'écouter sur la plage. »

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Voir aussi ma fiche : Charles Baudelaire, une jeunesse --

            <<< Christian Broussas – Un été avec Baudelaire - >>>>
                        <<< Feyzin, 8 juin 2015 -
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