lundi 21 décembre 2015

La Constitution et l'état d'urgence

Adapter la constitution de 1958

Toiletter la constitution pour mieux lutter contre le terrorisme, telle est la volonté du Président de la république, exprimée devant députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles en novembre 2015.

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Selon François Hollande, l’objectif est de « permettre aux pouvoirs publics d'agir, conformément à l'État de droit, contre le terrorisme de guerre. » La Constitution, base de la Vème république, révisée jusqu’à présent 21 fois, détermine le fonctionnement de l'exercice du pouvoir mis en œuvre par des textes de lois. 



Dans la question qui nous intéresse, en l’occurrence l’état de "quasi guerre" sur le territoire national, les deux articles de la Constitution applicables à cette situation (l’article 16 et l’article 36) sont mal adaptés à une gestion à la fois efficace et rapide de la situation actuelle.

- L’article 16 de la Constitution accorde les pleins pouvoirs au Président de la République si le fonctionnement des institutions de la République s'interrompt ou si une menace pèse sur l’indépendance de la nation, sur l’intégrité du territoire ou encore sur l'exécution de ses engagements internationaux. Causes très générales certes, mais dont l’interprétation est l’apanage du Président de la république.

- L’article 36 dispose qu’en cas d’état de siège, les pouvoirs des autorités civiles sont transmis à l’armée. Le contexte de 2015 est bien différent de ces situations.
- En-dehors de ces deux cas de figure, rien n’est prévu dans la Constitution en cas « d’état de crise » pour permettre au pouvoir exécutif « d’agir plus rapidement dans un contexte de restriction des libertés autorisée. »

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Venons-en à cet État d’urgence qui a été mis en œuvre après les attentats du vendredi 13 novembre pour une durée de douze jours, et confère des pouvoirs de police exceptionnels au pouvoir exécutif. Autrement dit, on met de côté pendant la durée prévue un certain nombre de prérogatives dévolues normalement aux magistrats et au Parlement.

L’exécutif intervient dans le domaine parlementaire qui doit régulariser à terme les décisions de l’exécutif (comme dans l’application des ordonnances de l’article 38). Dans ce cadre, L’État d’urgence peut être prolongé pendant trois mois, sur vote du Parlement. Les magistrats peuvent quant à eux intervenir sur la constitutionnalité des décisions de l’exécutif. (On l’a vu dans les recours faits par plusieurs personnes assignées à résidence)  

      

L’État d’urgence résulte de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, applicable selon le texte « soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. »

Pris par décret en conseil des ministres, il confère aux autorités civiles des pouvoirs de police exceptionnels portant sur la réglementation de la circulation et du séjour des personnes, sur la fermeture de certains lieux ouverts au public (cinéma, écoles, gymnases…) et peut inclure aussi des pouvoirs de police renforcés pour les perquisitions et le contrôle des moyens d'informations ainsi que l’interdiction de tout rassemblement sur la voie publique après décision de la préfecture concernée.

Le projet de loi qui actualise la loi de 1955 sur l'état d'urgence, prévoit notamment l'élargissement des assignations à résidence et la dissolution de groupes radicaux chapeautant des mosquées et des lieux de prières extrémistes. Les autres mesures d'accompagnement concernent  le recours au bracelet électronique pour contrôler certains assignés à résidence, la possibilité d'armer les policiers y compris hors service, sur la base du volontariat et en prévenant leur hiérarchie.
Pour éviter tout risque pour les "libertés fondatrices", le texte prévoit l'instauration d'un contrôle parlementaire et la suppression de la justice militaire pendant l'état d'urgence


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La révision constitutionnelle envisagée concernerait aussi « la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour terrorisme et possédant une double nationalité » et l'instauration d'un « visa de retour » pour les Français « impliqués dans des actes terroristes à l'étranger. » 

Ce texte de révision constitutionnelle doit être voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. Il faut ensuite qu’il soit ratifié, selon le choix du Président de la République, à la majorité des deux tiers par le Congrès de Versailles (Assemblée nationale et Sénat) ou par consultation du peuple par référendum. (articles 89 et 11 de la Constitution)

             

Après les attentats du 13 novembre, le Président de la république a déclaré non seulement L’État d’urgence mais aussi trois jours de deuil national. Cet acte officiel symbolise « l'hommage de la nation aux victimes d'une catastrophe ou d'un acte terroriste. » C’est une mesure exceptionnelle prise par décret en Conseil des ministres. Pour la première fois (contrairement aux cinq précédents), il est d’une durée de trois jours, du dimanche 15 au mardi 17 novembre.

Des mesures d’accompagnement peuvent également être prévues : drapeaux en berne hissés à mi mât au fronton des bâtiments publics, respect d'une minute de silence dans les manifestations officielles ou fermeture de certaines administrations.

En ce qui concerne la coopération européenne, un "Passenger Name Record" (PNR) devrait être rapidement adopté pour « garantir la traçabilité des déplacements y compris à l’intérieur de l’Union européenne. »

Question de constitutionnalité
La loi prorogeant l'État d'urgence est, comme toutes les lois, susceptible d’un recours contre la puissance publique devant les juridictions administratives. En l’occurrence, ce sont des écolos qui ont contesté l'assignation à résidence dont ils ont fait l'objet, devant le Conseil d’État  qui a décidé de surseoir, soulevant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel
La question de fonds à laquelle devra répondre le Conseil constitutionnel est de savoir si l'article 6 de la loi sur l'état d'urgence, qui autorise le ministre de l'intérieur à assigner à résidence toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public » est bien légal. Le Conseil constitutionnel devra s’assurer que cette disposition respecte l'article 66 de la Constitution selon lequel « nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » 

Il faut cependant souligner qu'en cas d’état d’urgence, seul le juge administratif possède le pouvoir d’exercer a posteriori un contrôle sur les assignations à résidence.

Par une décision du 22 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les neuf premiers alinéas de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, article 6 lui-même modifié par une loi du 20 novembre 2015. Dans ses attendus, le Conseil constitutionnel a précisé que « le ministre de l'Intérieur peut prononcer l'assignation à résidence de toute personne (...) à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public ». Curieusement, les juges ont sanctionné le dernier alinéa de l'article 6, relatif au port du bracelet électronique.

Sur le fond, c'est-à-dire la légalité de l'assignation à résidence dans le cadre de l'état d'urgence, les plaignants peuvent encore saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), même si après la prolongation de l'état d'urgence, la France a informé le Conseil de l'Europe qu'elle avait décidé de déroger à la Convention européenne des droits de l'homme, en application de son article 15.
 
< Christian Broussas – État d’urgence, 21/12/2015 -© • cjb • © >

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