Référence : David Foenkinos, « Le mystère Henri Pick », éditions Gallimard, Collection Blanche, 285 pages, avril 2016

    
« Même les gens qui disent ne pas aimer lire vont tomber un jour sur un texte qui va les bouleverser. » David Foenkinos

Quelle curieuse idée a donc eu Jean-Pierre Gourvec ce petit bibliothécaire breton, de récupérer tous les livres que refusent les éditeurs, Gourvec le responsable de la bibliothèque municipale de Crozon dans le Finistère. Et quelle belle idée d’unir ces deux mondes étrangers de l’écriture et de l’édition, les intellectuels et les marchands, de ressouder cet univers schizophrène.

Il voudrait devenir ainsi « la mère Teresa des écrivains ratés », ayant fait comme l’écrit Foenkinos, « des échecs des autres sa propre réussite. » Mais finalement se demande-t-il, un écrivain raté est-il simplement un incompris, « comme si la reconnaissance consistait à être compris. Personne n’est jamais compris, et certainement pas les écrivains. Ils errent dans des royaumes aux émotions bancales, et, la plupart du temps, ils ne se comprennent pas eux-mêmes. »

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Le plus extraordinaire est que cette bibliothèque existe vraiment… créée par l’écrivain américain Richard Brautigan. [1] Après son suicide, son idée a été reprise au début des années 1990 pour créer la « bibliothèque des livres refusés » aux États-Unis puis actuellement à Vancouver. David Foenkinos a choisi l’extrême ouest de la Bretagne, à Crozon, dans le Finistère« parce que je pense quelque part qu’il faut aller au bout de soi-même, au bout du monde, là où "finit la terre", pour pouvoir renoncer, comme ça, abandonner tous ses espoirs littéraires. Et en même temps les confier au hasard. »

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Parmi tous les manuscrits hétéroclites qu’il reçoit s’est glissé paraît-il un petit chef-d’œuvre, Les dernières heures d’une histoire d’amour, écrit par un certain Henri Pick, découvert par une jeune éditrice. Mais évidemment, ce serait trop simple. Notre éditrice, toute excitée par sa découverte, part à la recherche du fameux écrivain mais pas de chance, il est mort depuis deux ans. De plus, les déclarations de sa veuve la stupéfient quand elle apprend qu’il n’aurait jamais lu un livre ni écrit autre chose que des listes de courses...

 

Le mystère s’épaissit. Alors, qu’en est-il réellement ? Ce monsieur Pick aurait-il eu une vie secrète? Bien sûr aussi, porté par ce mystère, le livre de Pick obtiendra un succès considérable et pèsera sur le monde littéraire. Des ricochets qui vont toucher un journaliste comme Michel Rouche, qui a tendance à douter de la version officielle. Certains se demandent même si toute cette affaire n’était pas qu’une mise en scène aux basses manœuvres mercantiles.

Le succès ou l’insuccès d’un livre tient parfois à peu de choses comme le rappelle David Foenkinos à propos de son premier roman publié. Il peut "échapper" aux éditeurs, hors des canons littéraires ou des modes, et à l’inverse (comme le roman d’Henri Pick) pouvant faire le "buzz" de l’actualité ou cristallisant une pensée à un moment donné.
Finalement, beaucoup de facteurs qui ne dépendent ni de l’auteur ni de l’éditeur.

Le récit se détourne aussi vers le réel où s’invitent des auteurs comme Laurent Binet, Philippe Jaeneda ou  Michel Houellebecq, des éditeurs comme Grasset ou Gallimard ou le journaliste François Busnel. Autre raison de penser au dernier roman de Delphine de Vigan [2] "D’après une histoire vraie" qui aborde à sa manière la question de la création et de la frontière indécise entre réel et fiction, ce qui suscite cette réflexion de l’auteur : « D’une manière générale, notre époque traque le vrai derrière toute chose, et surtout la fiction. »

Commentaires et critiques
* « Le Renaudot 2015 s'assoupit quand il brode autour de ses protagonistes des tribulations conjugales qu'il ferait mieux d'abandonner à Pancol. Un peu téléphonée aussi, cette façon de convoquer des personnages bien réels au fil du récit, de l'éditeur Jean-Paul Enthoven au journaliste François Busnel qui part interviewer la veuve de Pick pour son émission littéraire. »
(Pleine vie, 1er avril 2016)
* « Hymne à la lecture, au plaisir de lire et de s’évader, ce roman est aussi une déclaration pour la liberté de création de l’écrivain et le droit d’être aimé pour ce que l’on est. »
(Site "Entre les lignes")

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Notes et références
[1] Richard Brautigan a publié L’Avortement en 1971
[2] François Busnel est depuis de nombreuses années le compagnon de Delphine de Vigan.

Voir aussi
* Mes articles sur son roman Les souvenirs et son roman Charlotte --

< Christian Broussas – Foenkinos - 10 avril 2016 -© • cjb • © >