Référence : Alain Badiou, Aude Lancelin, Éloge de la politique, 2017

« Le bilan du XXe siècle, c’est que tout le monde a du sang jusqu’aux oreilles (…). Alors on fait porter le chapeau au communisme, qui l’a bien mérité c’est vrai, mais c’est aussi pour se désintéresser de son propre chapeau ».

Un livre d’Alain Badiou passe rarement inaperçu. Son dernier essai intitulé Éloge de la politique, n’échappe pas à la règle et a donné lieu à un beau débat avec Michel Onfray. [1]
On peut aussi se demander ce qui relie Éloge de l’amour, Éloge du théâtre, Éloge des mathématiques et Éloge de la politique. Une certaine vision de l’humanité, reposant sur un combat et devant déboucher sur une espèce de société idéale (égale et juste) qu’il persiste à appeler le communisme.

    

Belle utopie qu’il nous propose ici, sous-tendue quand même par une solide analyse des données socio-économiques. Cet engouement pour la politique peut étonner de la part d’un homme qui sen est éloigné depuis mai 68, refusant de voter, écrivant des articles où il prône le désintérêt pour la politique, définissant même la démocratie comme une « pornographie du temps présent ». Y aurait-il alors plusieurs façons de faire de la politique ?

Si Machiavel, dit Alain Badiou, « a largement défini la politique comme un art souverain du mensonge, elle doit pourtant être autre chose : la capacité d’une société à s’emparer de son destin, à inventer un ordre juste et se placer sous l’impératif du bien commun. » (p 11) Voilà bien deux façons de faire de la politique, deux visions de la société.


 
« Il faut mener un combat permanent contre acharné, permanent, contre toutes les logiques identitaires et ça c’est une tâche philosophique ».

L’Éloge de "sa" politique n’a rien à voir avec les méandres de la politique française, quel que soit le président, qui a encore beaucoup trop de relents de machiavélisme. Rien à voir non plus avec une quelconque "refondation du paysage politique français", qu’il juge sans issue, inégalitaire, émanant d’une oligarchie dominante.

Reste à savoir ce que recouvre son "communisme", qu’il voit comme la seule alternative au capitalisme triomphant, le vecteur d’une émancipation mondiale. Pourtant le communisme a une image particulièrement négative, surtout depuis le stalinisme et la disparition du mur de Berlin. Il se résume le plus souvent à la famine, aux millions de morts, aux totalitarismes... Une pente à remonter digne d’un Sisyphe contemporain.

               

Alain Badiou quant à lui définit sa doctrine à partir de 4 principes :
- Abolition de la propriété privée des moyens de production (jusque là, rien de nouveau
- Plus de division du travail entre manuels et intellectuels
- La politique doit être mondialisée, plus d’obsessions identitaires
- Dépérissement de l’État (ce qui n’est pas non plus un scoop)

Son postulat est que si le communisme a échoué, ce n’est pas à  cause de "trop de communisme" mais plutôt de pas assez, comme si on n’tait pas allé au bout de sa logique, telle que Marx l’a élaborée. « Ce n’est pas, écrit-il, parce qu’ils étaient communistes que les "États socialistes » ont échoué, c’est parce qu’ils étaient bien trop peu et ne maintenaient pas la tension politique, la discussion incessante, bref, la lutte entre les deux voies, dans la vie collective du peuple, sur toutes les questions concrètes décisives engageant les principes du communisme. ».

Au lieu d’un État qui dépérit, on a plutôt assisté à son renforcement, au lieu d’une disparition de la division du travail, on a eu une bureaucratie tentaculaire coupée de la paysannerie, alors force économique principale.
Il est incontestable que le problème des crimes staliniens existe mais ceci « ne conduit nullement à leur conclusion conservatrice, à savoir l’éloge aveugle des démocraties occidentales et de leurs prétendues "valeurs". » (page 91)

Ce que poursuit Alain Badiou dans cet essai, c’est de prouver qu’il existe une autre voie pour le devenir de l’humanité. C’est avec ce genre d’initiative qu’il sera possible de faire un bilan de l’épisode soviétique, et de donner un avenir au communisme.

   

Notes et références
[1] Débat entre Badiou et Onfray : la violence est-elle légitime ? -- 
* L'émission Contre-courant --


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Mes fiches sur Alain Badiou :
* Alain Badiou, biographie -- * Éloge de la politique --
* Alain Badiou et Bernard-Henri Lévy --
* Alain Badiou et Gilles Deleuze --
* Alain Badiou, La république de Platon
* Alain Badiou, Éloge des mathématiques --

 
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