lundi 3 février 2014

Alexandre Jardin Des Gens très bien

Des gens très bien est un ouvrage écrit par l'écrivain Alexandre Jardin sur le rôle controversé de son grand-père Jean Jardin pendant l'époque de l'Occupation.

 

Livre – confession –témoignage que donne Alexandre Jardin sur la saga familiale des Jardin. Une famille au-dessus de tout soupçon depuis, même si l’on savait que le grand-père Jean Jardin avait été lez chef de cabinet de Pierre Laval dans les années 1942-43, années particulièrement noires de la collaboration. Pas pour Jean Jardin apparemment, jusqu’à ce que son petit-fils aille y voir de plus près.
 
Voilà la belle légende de la famille Jardin menacée de l’intérieur par un membre de la famille qui se pose des questions sur son ascendant jean Jardin, celui qu’on appelle « Le Nain jaune », qui s’inquiète, s’informe, compare des dates, qui ne respecte pas l’omerta. Et cette évidence incontournable : il fut bien directeur de Cabinet de Pierre Laval de mai 1942 à octobre 1943, en pleine « rafle du Vél d'Hiv » à la mi-juillet 1942, un homme au cœur du pouvoir vichyste et collaborateur.
 
Et le petit-fils de s’interroger sur le parcours de cet homme respectable jusqu’au déni de ses propres actes. Le temps –et le ton- des romans optimistes de l’auteur, du « Zèbre » à « Fanfan » entre autres, [1] est bien loin et la plume plus acerbe mais si elle est souvent pleine de retenues pour aborder un sujet pour lui aussi délicat. « C’est, écrit-il, le carnet de bord de ma lente lucidité. »
 
 Ce livre est le résultat d’une lente maturation, tant il est vrai que les images mentales nées de l’enfance s’imposent et qu’il les réduit sous forme d’une question : « Vit-on ailleurs que dans la forêt de ses folies mal guéries de l’enfance ? » [2] Il se souvient des séjours de ces personnages bien sous tous rapports qui leur rendaient visite au château familial de Charmeil ou dans leur propriété de Vevey en Suisse, sur les bords du lac Léman, [3] il parle longuement avec son ami Zac, à la saga familiale encore plus contrastée que la sienne et qui finira par l’engloutir. Surtout, il va mener peu à peu une enquête minutieuse qui le conduira de personnages assez effrayants jusqu’au rapport Sadosky. [4] Au fil de son enquête, il découvrira la face cachée de son grand-père, ses relations avec Goering, [5] les notes du chef de l’espionnage allemand à Vichy Dehl, [6] le télégramme de Krug von Nidda [7] ou le document Rothke. [8]
 
Alexandre Jardin rencontre aussi Soko, ami proche du grand-père, au parler rugueux et au parcours sinueux, aux liens étroits avec les services de renseignements nazis. [9] Qu’y avait-il dans la tête de ce grand-père pour qu’il puisse vivre avec les images des milliers d’enfants sacrifiés à la rafle du Vél d’Hiv, quelle réalité accessible à l’esprit ? « l’opinion atrabilaire crée le réel » ajoute-t-il. [10] Au-delà de sa lucidité, ce livre est aussi un cri de celui qui écrit aussi : « Sommes-nous tous condamnés à ne percevoir que ce qui résonne avec nos douleurs. » [11]
 

Notes et références
[1] « Pour donner naissance à mon Ile des gauchers –une société à l’envers enfin à l’endroit- il fut nécessaire que mon grand-père soit plus décisif qu’un Touvier et beaucoup plus central qu’un Papon » écrit-il aussi page 115
[2] Voir page 173 (édition de poche)
[3] Voir page 45 et page 51 (édition de poche)
[4] Voir Jorge Hoppe page 170, Bousquet page 191, le livre brûlé pages 183 et 199, le rapport Sadoski page 211 (édition de poche)
[5] Annie Lacroix-Riz, Le rapport de Lavagne (cité page 257)
[6] Archives Nationales références 3 W 216 et ) 3 W 347
[7] Archives Nationales, Fonds Bousquet, 3 W 89
[8]  Archives APP (préfecture de police de Paris), dossier PJ 42 Bousquet 
[9] Voir la liste édifiante des rapports des Renseignements Généraux conservés aux Archives nationales, dans F7 15307, qu’on trouve pages 74 et 75 [NDLA]
[10] Voir page 246 (édition de poche)
[11] Voir page 219 (édition de poche)
 
Commentaires
« Loin de tirer à bout portant sur son grand-père dans un "famille, je vous hais" simpliste, Alexandre Jardin se livre à l’autocritique poignante de sa propre vie de mascarade, comme eu de romanciers auréolés de gloire ont eu le courage de le faire. » Marine Landrot – Télérama – janvier 2011
 
« On referme ce livre songeur, dubitatif, tout à la fois agacé et touché, incrédule et compatissant. Alexandre Jardin, lui, dit signer aujourd'hui son acte de renaissance. Au bénéfice du doute, souhaitons-lui une deuxième vie, plus apaisée... » Marianne Payot – L’Express – 7/01/2011

Voir aussi mes autres articles sur l'auteur :
* Alexandre Jardin et son oeuvre 
* Quinze ans après -- Des gens très bien  -- Juste une fois --
 
Bibliographie
  • Adam Raysky, Le choix des juifs sous Vichy. Entre soumission et résistance, éditions La Découverte (cité page 218)
  • Laurent Joly, Berlin 1942, chronique d’une détention par la Gestapo, CNRS éditions (cité page 211)
  • Carnets de Robert Kiefe, secrétaire général du consistoire central et revue de la Résistance J’accuse (cités page 217)
  • Daniel J. Goldhagen, Les bourreaux volontaires de Hitler, éditions Le Seuil, traduction Pierre Martin (cité page 267)
  • Pascal Jardin, La guerre à 9 ans, 1971 (cité pages 20, 286…)
  • Pierre Assouline, Une éminence grise, éditions Gallimard, Folio 1988 (cité page 94)
  • Hal Vaughan, biographie de Coco Chanel (Sleeping with the enemy : Coco Chanel’s secret war, Random House (cite page 125)
  • Fanny Chèze, Pascal Jardin, éditions Grasset (biographie du ‘Zubial’ cité page 117) 
  <<<<< Christian Broussas - Feyzin - 13 février 2012 - << © • cjb • © >>>>
 

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